Interview de Xavier Dupuis
Responsable Master 2 Management des Organisations Culturelles de Paris-Dauphine
Nous avons le plaisir d’accueillir cette semaine sur notre blog, Xavier Dupuis, Responsable du Master 2 Management des Organisations Culturelles de Paris Dauphine. Xavier Dupuis a bien voulu partager avec nous son regard compétent sur le monde de la culture.
Qui est Xavier Dupuis ?
Xavier Dupuis est économiste de formation. Sa thèse de fin d’études portait sur l'économie de la musique. Il a depuis consacré tous ses travaux et toute sa carrière à l'économie de la culture. Il a aussi travaillé à l’Opéra Royal de Wallonie pendant 3 ans.
Xavier Dupuis est également chercheur au CNRS et a été membre du service des études et de la recherche du Ministère de la Culture. Aujourd'hui, il dirige à l'université de Paris Dauphine le parcours de Master 2 Management des Organisations Culturelles.
Son expertise concerne tout ce qui a attrait à la gestion, à l'économie culturelle et aux politiques culturelles. Il a récemment contribué à la rédaction d'un ouvrage sur les ressources humaines dans le secteur culturel, notamment le chapitre consacré à l'économie du secteur[1] (Le Territorial Editions).
Quels sont les aspects du management des entreprises culturelles qui vous passionnent le plus ?
Le management dans le secteur culturel est un management un peu particulier. C'est ce qui le rend d'autant plus fascinant. On s'intéresse au management dans la culture parce qu’on a tout d'abord une appétence pour le secteur culturel, un intérêt personnel. Ensuite, les questions de management dans le secteur culturel se confrontent à l'artistique inévitablement, ce qui leur confèrent quelques particularité et spécificités.
Nous sommes toujours confrontés à un acte de création, il ne faut jamais oublier qu'en amont de chaque produit culturel, il y a toujours un acte de création avec lequel nous dialoguons.
Il existe une formidable diversité de produits culturels. Le secteur culturel est extraordinairement vaste. Il regroupe le patrimoine, le spectacle vivant, les médias, les jeux vidéos... ce qui rend les questions de management beaucoup plus subtiles que dans d’autres activités économiques.
Aujourd’hui quels sont les métiers dans ce domaine les plus recherchés par les entreprises/organisations ? Quels sont les métiers émergents, les nouveaux métiers ?
Le domaine du management culturel recouvre toutes les fonctions d'administration et de gestion. On trouve des métiers variés :
- Les métiers très financiers, comme le métier d'administrateur, de secrétaire général.
- Les métiers qui cumulent aussi bien une dimension managériale qu’une dimension artistique, et qui concernent les fonctions de direction d'établissement ou d'institution.
- Les métiers liés à la recherche de financement (ex : mécénat), de fonds ou de subventions que l'on peut rencontrer dans une institution culturelle. Ils sont en plein essor. Le secteur culturel fait face à un tassement des subventions publiques. La décroissance n’est pas si importante.
- Les métiers en lien avec les publics ont aussi le vent en poupe : connaître les publics, rechercher de nouveaux publics, connaître les politiques tarifaires. Cela s’apparente à du marketing mais nous parlons peu de marketing dans le secteur culturel car c'est encore un peu tabou.
Le secteur culturel a toujours une équation difficile à gérer qui est celle de ses ressources et de son public. Les pouvoirs publics, les financeurs, les mécènes, réclament toujours plus de publics et dans le même temps toujours plus de recettes. Ces publics nouveaux, parfois plus éloignés de la culture demandent souvent des moyens additionnels mais génèrent peu de recettes.
- Les métiers de la médiation connectés aux publics.
- Les métiers commerciaux, plus stratégiques, comment développer son activité, que ce soit à l’international ou par l'entretien de relations avec des réseaux.
Les métiers émergents sont bien sûr ceux en liens avec le digital comme la gestion les réseaux sociaux. Il faut avoir une politique tournée vers le digital !
En ce qui concerne la recherche de financement, avant nous étions sur des stratégies de mécénat classique, maintenant nous investissons via le crowdfunding. Cela nécessite de développer de nouvelles compétences, de nouveaux métiers.
Pour un jeune souhaitant s’orienter vers ces métiers, quelles compétences clés leur conseilleriez-vous de développer ?
Premièrement, il faut avoir un vrai attrait pour la culture, être passionné par un domaine culturel en particulier (cinéma, théâtre, musique...). L’engagement affectif personnel est tout à fait fondamental.
Deuxièmement, il faut savoir développer des qualités relationnelles. Etre capable de parler, d'avoir une certaine empathie pour le milieu artistique, sans pour autant tomber dans la fascination.
Nous sommes dans des métiers de management, un bon administrateur culturel, ce n'est pas une personne qui dit oui tout le temps, ni une personne qui dit non tout le temps. C'est une personne qui doit pouvoir dire oui le plus souvent possible et qui doit savoir dire non quand ça n'est pas possible. Savoir développer des qualités relationnelles, être compréhensif, à l'écoute, ne pas avoir de comportement dominateur. Il faut être dans une attitude de dialogue et de pédagogie pour faire comprendre au créatif qu'il existe des limites.
Pouvez-vous nous présenter en quelques mots le Master Management des Organisations Culturelles ?
Le Master Management des Organisations Culturelles a été créé en 1985. A cette époque nous étions la première filière universitaire en formation initiale en management culturel en France.
Depuis 2002, nous avons en parallèle, un cursus en formation continue dont le planning est différent. Ce cursus en formation continue est ouvert aux personnes ayant déjà une expérience professionnelle dans le secteur culturel de plusieurs années et qui veulent parfaire leur formation, évoluer, ou obtenir une reconnaissance.
Nous accueillons environ 60 étudiants (30 étudiants en formation initiale et 30 en formation continue).
Le recrutement au sein du master est ouvert. Nous ne recrutons pas que des personnes qui ont fait de la gestion, ou de l'économie, nous recrutons des individus qui viennent de tous horizons.
Nous choisissons des personnes qui ont une personnalité, un appétit pour la culture et qui ont cette capacité à jongler entre les impératifs économiques, politiques et la nécessité d'être au service de la création de l'artiste.
En formation initiale, les cours se déroulent de début septembre à fin mars, les étudiants ont un mémoire à rendre et doivent obligatoirement faire un stage de minimum 3 mois mais la plupart font au moins 6 mois.
En formation continue, le planning est complètement différent car nous sommes face à des personnes qui travaillent. ils n'ont donc cours que le vendredi toute la journée ainsi que le samedi de début septembre à fin juillet. Ils ont également un mémoire à rédiger mais n'ont pas de stage obligatoire.
Les enseignants sont à 60% des professionnels, ce master est très professionnalisant. Nous avons des cours généraux comme du droit, de l'économie, des politiques culturelles, de la gestion de production. Ensuite nous avons un ensemble de cours transversaux qui concerne l'ensemble du secteur culturel, comme la fiscalité, le marketing, les ressources humaines. Enfin, nous avons des modules sur des domaines comme le spectacle vivant, le numérique, les relations internationales, le patrimoine entre autres.
Mot de la fin : quels conseils donneriez-vous à un lycéen qui veut s’orienter dans ce domaine ?
Tout d’abord, la culture n'est pas un milieu aussi romantique que certains croient ! Il ne faut pas idéaliser.
La culture est un milieu très dur parce que nous travaillons avec des professionnels qui possède un attachement passionnel ou affectif très fort à leur travail. Or, les relations de travail dans la culture sont souvent brutales, ce qui peut créer de vrais problèmes au travail.
Il existe aussi beaucoup de métiers dans le secteur culturel éloignés de l'artistique mais dont nous avons besoin.
Et deuxièmement, il faut acquérir une première expérience du terrain, au travers de stages ou de bénévolat par exemple. L'expérience du terrain est indispensable, c'est un pré-requis.
Merci Xavier Dupuis d’avoir accepté notre invitation et pour le temps consacré.
Lien pour en savoir plus : M2 Management des Organisations Culturelles Paris Dauphine
[1] Economie de la culture, dans : La gestion des ressources humaines dans le secteur culturel. Analyse, témoignages et solutions (sous la direction de Micha Ferrier-Barbut et Rébecca Shankland), Le Territorial Editions, Voiron, 2017, pp.13-35