Interview de Thomas Paris
Directeur Scientifique du MS-MSc Médias Art et Création d'HEC
Nous avons le plaisir d’accueillir cette semaine sur notre blog, Thomas Paris, Directeur Scientifique du MS/MSc Médias Art et Création d’HEC. Thomas Paris a bien voulu partager avec nous son regard d’expert sur le monde de la culture.
Qui est Thomas Paris ?
Décidé depuis le lycée à travailler dans le cinéma, Thomas Paris a d’abord suivi des études à l’Ecole polytechnique avant de se consacrer à sa passion. Après une thèse sur les droits d’auteur dans la musique, Thomas Paris a pris goût à la recherche. Il s’est alors spécialisé dans l'économie de la création. Tout d’abord d’un de point vue microscopique, c'est-à-dire en se focalisant sur l'activité de création, jusqu'au point de vue plus macroscopique, qui porte sur les dynamiques des secteurs de la création.
C'est dans ce cadre-là qu’il est entré au CNRS, où il a poursuivi ses travaux de recherches. Parallèlement, Thomas Paris est entré à HEC comme chercheur puis comme enseignant en management de la création. Il a ensuite repris la direction du programme Médias Arts et Création en 2012.
Son expertise repose sur les secteurs culturels, leur mode de fonctionnement, leurs spécificités, les problématiques qu'ils rencontrent d'un point de vue managérial ainsi que les politiques publiques.
Thomas Paris a également écrit un livre intitulé "Manager la créativité", qu’il est actuellement en train de réécrire sous un autre titre, pour une sortie prévue dans 1 an.
Et maintenant, place à notre interview.
Quels sont les aspects du management des entreprises culturelles qui vous passionnent le plus ?
Trois dimensions du management des entreprises culturelles me passionnent :
- La première concerne l'organisation de la création. C’est-à-dire comprendre le processus, le processus collectif, sa structure et son fonctionnement, les tâches qui interviennent, la division du travail entre les différents intervenants et les problématiques managériales qui entrent en jeu.
- La seconde dimension qui m'intéresse particulièrement est la notion de talent. Qu’est-ce qu’un talent ? Quels problèmes soulève-t-il en terme de gestion et de management ?
- Enfin, le troisième aspect concerne les problématiques publiques. Chercher à comprendre comment les pouvoirs publics peuvent jouer un rôle dans la structuration des industries de la création, dans leur dynamisme et comment ils arrivent à agir sur le dynamisme créatif de ce secteur.
Aujourd’hui quels sont les métiers dans ce domaine les plus recherchés par les entreprises/organisations ? Quels sont les métiers émergents, les nouveaux métiers ?
Les métiers dans le domaine culturel évoluent selon les secteurs, selon les époques. On trouve une grande variété de métiers, en voici quelques-uns :
- Les métiers dans le domaine de la finance et de la comptabilité. Le poste de directeur administratif et financier, par exemple, est très important notamment dans les petites structures.
- Les métiers du marketing. Ces métiers se renouvellent beaucoup avec l'intégration du digital et de la data. Les postes liés aux données comme le data manager sont très recherchés.
- Les métiers dans le domaine du juridique plutôt au sein des grandes structures. Nous retrouvons la fonction de directeur juridique notamment.
- Les métiers de production comme les chefs de projet, tous les métiers qui interviennent dans les étapes de la production. Pour ces métiers, il faut avoir une capacité d'organisation et de management.
Certains métiers ont le vent en poupe comme celui de community manager en lien avec le marketing, mais aussi tous les métiers qui concernent le mécénat ou la recherche de financement.
C’est le cas aussi des métiers liés au business développement, à la prospection de nouveaux marchés, de nouveaux clients et les métiers de l'ingénierie culturelle qui peuvent s'apparenter à de la gestion de projets.
Pour un jeune souhaitant s’orienter vers ces métiers, quelles compétences/qualités clés leur conseilleriez-vous de développer ?
Pour travailler dans le domaine culturel, il faut tout d’abord être passionné, avoir la passion du produit quel qu'il soit.
La seconde qualité est l'ouverture aux autres, aux profils, aux formes artistiques. Cette ouverture est importante, d’une part, parce qu’elle nourrit cette passion, et d’autre part parce que la culture est un secteur où les profils sont différents avec parfois des egos forts.
Pour tous les métiers liés au management, il est nécessaire aussi d’être rigoureux, ce qui peut aller à l'encontre des idées reçues...
La transversalité est également importante. Au sein d’HEC, nous considérons que pour faire carrière dans ce secteur en perpétuelle évolution, il est préférable d'avoir une compréhension globale de son fonctionnement et une capacité d'adaptation.
La dernière qualité est l'aisance sociale car les relations humaines sont importantes dans le secteur culturel.
Pouvez-vous nous présenter en quelques mots le Mastère Spécialisé Médias, Art et Création ?
Le Mastère Spécialisé Médias, Art et Création est une formation très ancienne, nous avons fêté nos 30 ans en 2016. Cette formation a eu plusieurs vies : avant d’être un mastère spécialisé, il est né comme une série de cours proposés aux étudiants d’HEC avant de devenir une majeure, c’est-à-dire un master 2 ouvert uniquement aux étudiants d’HEC.
Depuis maintenant 10 ans, la formation est un mastère spécialisé. Chaque promotion est constituée de 40-45 étudiants : 1/3 font leur troisième année d'HEC, 2/3 sont des étudiants avec des profils extrêmement diversifiés : des ingénieurs, des étudiants en sciences politiques, lettres, droit, arts etc.
Ces derniers viennent passer 7 mois avec nous et partent ensuite 4 à 6 mois en stage.
Depuis la création nous avons conservé le credo d'aborder les secteurs de manière transversale, et d'avoir dans une même salle de classe des étudiants qui s'intéressent au marché de l'art et des étudiants qui s'intéressent aux jeux vidéo par exemple.
Nous préparons chaque étudiant à exercer dans le domaine culturel des responsabilités importantes, c’est pourquoi nous avons cette volonté de leur donner les clés de compréhension les plus larges possibles.
Nous avons trois catégories de cours dans le programme :
- Les cours fondamentaux avec des modules de droit, de finance, de marketing, et de management stratégique. Chaque module est appliqué au secteur culturel et est enseigné par des professeurs d’HEC.
- La connaissance des secteurs avec un module qui concerne les industries culturelles et créatives. Nous passons en revue l'ensemble de ces secteurs, leurs spécificités, leurs enjeux, leurs acteurs, et comment ils sont impactés par le numérique. Sur ce second volet, les cours sont assurés par un professeur ayant eu une expérience en entreprise auparavant.
Nous avons aussi un autre module intitulé “Managers Culturels”, dans lequel nous confrontons les étudiants à des acteurs de la culture, venant d'entreprises publiques comme privées. L'idée est de leur ouvrir le plus d'horizons possibles sur les métiers et les carrières.
- Les projets collectifs, comme la création d'entreprise, ou le business project qui consiste à conduire une étude pour une organisation culturelle ou une institution. Par exemple : “Nous, collectivité territoriale, avons trois bâtiments de valeur dans notre patrimoine qui sont sous-exploités, pouvez-vous nous proposer une stratégie de valorisation de ces bâtiments ?”
Nous avons également un projet intitulé le “Super Cas”. Nos étudiants travaillent par groupe, pendant une semaine, sur une problématique réelle confiée par la direction générale d’une grande entreprise ou institution culturelle. Puis ils font une restitution devant la direction de l'entreprise. L'an dernier, nous avons ainsi travaillé sur une problématique confiée par le Festival de Cannes.
Enfin, le dernier grand projet est construit autour d’un voyage d'étude dans une destination avec une forte production culturelle dans différents secteurs. Les étudiants vont à la rencontre des acteurs de ces secteurs. Cette année nous sommes allés à Vancouver pendant une semaine. Nos 40 étudiants ont réalisé 130 entretiens dans le monde du jeu vidéo, du cinéma, des musées, du spectacle vivant etc.
Mot de la fin : quels conseils donneriez-vous à un lycéen qui veut s’orienter dans ce domaine ?
Je lui donnerais deux conseils. Tout d'abord chercher par tous les moyens à tester son appétence pour ces secteurs, en y évoluant, en faisant des stages ou en s'y impliquant dans le monde associatif.
Le second conseil est de cultiver une passion, c'est fondamental. Quand les étudiants postulent chez nous, on veut voir cette passion dans leurs yeux. Avoir des gens qui nous disent “moi je suis passionné de bande dessinée, musique électronique ou cinéma des années 30 et je veux mettre ma carrière au service de la défense et de la valorisation de ces activités et de ces secteurs.” Cette passion se cultive en allant voir des films, en se documentant, en s'intéressant à ce qui se passe sur le marché de l'art.
Merci à Thomas Paris d’avoir accepté notre invitation et pour le temps consacré.
Lien pour en savoir plus : MS/MSc MAC